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Elitisme et Pouvoir politique


L’être humain a tendance à vouloir mieux et dans cette quête du mieux certains estiment qu’ils sont ce qu’il y a de meilleur pour mener la société humaine vers les berges de la bienveillance et de l’abondance pour tous. Un îlot illusoire où la société trouverait enfin grace à l’influence des individus exceptionnels, la réalisation de ses aspirations. Aussi certains estiment qu’au-delà de la populace ils ont un doigté hors du commun, qui leur permettrait de mener à bien la lourde charge qui consiste à faire le bonheur de l’humanité.

Un idéal qui hélas se perd entre l’ego de ceux qui disent servir la société, en se constituant en une caste d’élus, et l’asservissement des masses à un concept qui ne leur rend jamais justice.

De manière classique, l’élitisme se définit comme la conviction ou l’attitude que les individus qui forment une élite, un groupe distingué de personnes ayant une certaine ascendance, une qualité intrinsèque, un intellect élevé, une richesse, des compétences spéciales ou une expérience, ont plus de chances d’être constructifs pour la société dans son ensemble. Pour ce faire ils méritent donc une influence ou une autorité supérieure à celle des autres. Aux États-Unis, le terme élitisme fait souvent référence à la concentration du pouvoir dans le couloir nord-est et sur la côte ouest, où réside l'élite américaine atypique. Journalistes, avocats, médecins, hauts fonctionnaires, hommes d'affaires, professeurs d'université, entrepreneurs et conseillers financiers. Cependant à l’ère de la technologie tout azimut l’oligarchie technologique, qui est issue aussi bien des grandes écoles que du génie personnel complète la caste des êtres hors du communs qui devraient guider la société américaine et par extension le restant du monde vers les choix qui garantissent son bonheur. Un bonheur, hélas, qui se décrète souvent sur la base des visions, dites globales qui ne répondent pas toujours aux réelles aspirations des peuples.

En général, l’élite essaye de passer la pilule en faisant croire à la plèbe, qu’elle ne serait pas assez intelligente pour comprendre ce qui ferait vraiment son bonheur. Aussi elle se fait un devoir de lui dire, ce qui serait bien pour elle.

Cependant ce diktat est de très loin de altruisme. Pendant que la même élite tient les leviers de l’économie libérale et du profit, l’orientation de la société vers un style de vie qu’elle définit comme bon pour les masses n’est qu’une manipulation à la consommation, qui l’embourgeoise. Aussi ces 30 dernières années, alors que la classe moyenne s’effondre dans les pays occidentaux l’élite politique et économique n’a jamais fait autant de profit dans toute l’histoire de l’humanité doublant pratiquement ses profit tous les dix ans. Alternativement, le terme élitisme peut être utilisé pour décrire une situation dans laquelle le pouvoir est concentré entre les mains d'un nombre limité de personnes. Les oppositions à l'élitisme incluent l'antiélitisme, l'égalitarisme, le populisme et la théorie politique du pluralisme.

L’un des effets les plus pervers de l’élitisme est son caractère, anti égalitaire dans les régions du tiers monde où depuis des lustres les puissances coloniales se sont évertuées à créer une élite qui devait continuer son œuvre de spoliation et d’oppression d’un continent comme l’Afrique. L’Etat colonial a mis en place une politique de fabrique d’élites indigènes en Afrique occidentale française. Celles-ci devaient être les relais des politiques décidées en métropole, et être loyales à l’égard de la population française, et non à la population africaine à laquelle ils étaient pourtant issus. En 1892, Jules Ferry produisit un rapport prévoyant que l’instruction des indigènes servirait la France, tout aussi bien que les colonisés. Complémentaire à l’œuvre de rayonnement, elle était considérée comme le moyen le plus efficace pour asseoir la domination territoriale de la France, et pénétrer les âmes conquises. Cette mission éducative eut de fortes conséquences sur les destinées des futurs peuples africains indépendants ; car beaucoup de leurs leaders d’indépendance furent issus des écoles coloniales, où leur mode de pensée avait été formaté à l’idéal d’asservissement. Beaucoup par exemple s’insurgeront même contre les mouvements indépendantistes jugeant qu’un peuple africain qui vivait sous les lois d’apartheid comme celles du code de l’indigénat qui n’avaient rien à envier aux lois ségrégationnistes américaines, en établissant les couvre-feux dans les quartiers noirs et la prohibition aux indigènes de fréquenter certains lieux réservés aux blancs sous peine des fessés publiques, pouvait encore patienter avant d’accéder aux droits inaliénables tels celui de la liberté de circuler dans leur propre pays. L’une des missions les plus importantes de l’éducation en Afrique occidentale française, fut de transmettre la haute opinion que les colons français se faisaient de la civilisation française. L’école coloniale servait d’instrument de propagande aux fins de convaincre les élèves indigènes de la supériorité de cette civilisation française.

Georges Hardy, normalien en littératures et inspecteur général de l’enseignement en AOF de 1912 à 1919, articule la mission civilisatrice de la France dans son ouvrage Une conquête morale : L’Enseignement en AOF (1912). "Pour transformer les peuples primitifs de nos colonies, pour les rendre le plus possible dévoués à notre cause et utiles à nos entreprises, nous n’avons à notre disposition qu’un nombre très limité de moyens, et le moyen le plus sûr, c’est de prendre l’indigène dès l’enfance, […], de lui ouvrir des écoles où son esprit se forme à nos intentions". Aussi plus 50 ans après les indépendances, le continent africain reste dépendant de l’occident par ce que les élites qui devaient rompre avec la servilité de la période de l’esclavage et de la colonisation ont justement été formés à défendre un système prédateur qui aura fait d’eux des demi dieux sous les tropiques et des bouffons serviles de l’occident prédatrice. Aux vues de ce qu’il précède tant que la classe politique en Afrique restera formatée à ces idéaux, toute tentative de sortie de l’ornière du sous-développement endémique qui fait la fortune de l’occident, reste une simple vue de l’esprit car l’élite formatée à l’idéal d’asservissement du continent tient les leviers du pouvoir politique sous les tropiques. La pseudo démocratisation des années 90 tout comme les indépendances acquises 30 ans plutôt n’ont que contribué à solidifier un système, où les seuls individus souvent jugés capables de diriger ces pays sont issus des mêmes moules, qui à l’exemple de l’ENAM, l’école nationale d’administration et de magistrature d’un pays comme le Cameroun, a simplement tropicalisé dans une espèce de décentralisation l'école mère de la métropole française l’ENA (école nationale d’administration). Tant que l’Afrique au sud du Sahara n’aura pas créé des académies dignes de ce nom, où l’on apprendra aux élites à vaincre la suprématie occidentale et à s’autodéterminer, les efforts de changement de la donne resteront illusoires.

En France l’élite se recrute en générale au sein des institutions élitistes dont la plus fameuse est l’ENA qui depuis 1945, forme l’élite française La "nécessité" d'une telle école trouve son origine dans le Régime de Vichy, qui sous l’occupation Nazi inaugura la prise de pouvoir de la technocratie, formalisée. La Libération de 1945 garda ce « bienfait Nazi » avec la création de l'ENA. L’influence de cette école dans la gestion de la France, donnera lieu au néologisme, énarchie, qui désigne l’influence absolu des élites issue de cette école sur l’appareil de l’Etat à tous les niveaux. Bénéficiant d’un réseau des plus efficace, les membres de l’énarchie confisquent depuis l’après-guerre le pouvoir de décisions à tous les échelons. Et les critiques face à cet ordre gargantuesque ne sont que logiques. Le sectarisme favorise l'endogamie oligarchique des élites françaises, par une cooptation des anciens élèves au sein de la sphère publique, parapublique et privée. Le capitalisme de connivence, avec son corollaire qui est l’abus des biens sociaux est le sport favori de cette élite, qui comme dans le système de mandarinat chinois, les membres de l'élite (les literati ou "lettrés") passent davantage de temps à chercher à accroître leur influence et à se combattre entre eux qu'à permettre aux libertés et à la justice sociale de se pérenniser dans le pays.

Au Etats-Unis l'élitisme se définit plus comme une forme de snobisme social. Car certaines grandes fortunes qui se sont fait dans l’idéologie des succès stories des années 30, où certains partaient de rien pour atteindre l’aisance matérielle, n’ y ont pas forcement accès, car en dehors de l’argent, il faut en général appartenir au club très fermé des élites qui sortent des grandes institutions académiques du Nord Est des Etats-Unis, comme, Yale, Princeton, ou Harvard. Aussi l’élitisme ne s’appuie plus seulement sur la famille, les origines ethniques ou la fortune, mais plutôt sur le statut conféré, au sein de la société américaine, par des institutions universitaires. Cependant dans une espèce de capitalisme élitiste, l’intelligence si elle permet à certains d’obtenir des bourses qui les conduiraient sur les campus d’Harvard, c’est surtout le capital qui est déterminant, car le coût onéreux de l’éducation en Amérique du nord proscrit l’accès aux études de qualité à certaines strates de la population qui se trouvent confinées à des écoles de petites envergures comme les community colleges qui sont des petites universités de comté qui avec un cursus de deux ans peuvent donner accès en cas de moyens suffisants ou d’intelligence probante aux grandes universités. Les familles élitistes, telles que les Rhodes, Carnegie, ou Rockefeller ont bien compris qu’il était impossible de générer dans les rangs de leurs lignées des génies à chaque fois ; alors elles recrutent les cerveaux qu’elles formatent à leurs idéaux élitistes.

Aux Etats-Unis, pays à l’origine agricole et esclavagiste l’accès aux études supérieures a toujours été un facteur déterminant dans la catégorisation de la populace; le savoir permettant de se distinguer en ajoutant une plus-value, voire une certaine classe aux individus. Le savoir technologique a créé l’élite la plus récente que forme l’oligarchie technologique, qui s’est développée à l’ère de la computerisation des années 70, et de l’Internet dans les années 90. Les plus grosses fortunes se recrutent désormais dans l’industrie de la technologie cybernétique de Microsoft à Amazon, en passant par Facebook ou Google. L’oligarchie technologique a ceci de particulier qu’elle est composée du pouvoir de la science et de l’argent. Cependant les sociologues distinguent deux grands ensembles d’élites au Etats-Unis comme dans tous les pays de l’hémisphère nord. L’élite Etatique qui forme la classe politique et l’élite économique qui est composé des magnats de la finance et des différentes industries. William Domhoff, dans Who Rules America ? démontre que, les deux classes bénéficient d’une homogénéité qui est cimentée par une éducation identique, mais également par un goût commun pour la propriété. L’allégorie des have et have not, se trouve ainsi justifiée. La similitude des origines sociales, leur mode de recrutement et leurs rapports privilégiés qui souvent sont entourés d’un nuage secret avec l’influence des sociétés sécrètes à partir des institutions universitaires, n’en rajoute qu’au sentiment de complicité qui existe entre ces deux grandes composantes de élite occidentale. Une complicité qui est vue par le profane à tort ou à raison, comme un complot contre les masses besogneuses, peu éduquées et souvent désargentées. La crise dans les rapports du peuple avec les élites, de ce fait trouve son origine non pas seulement dans la lutte des classes issue des différences, car tout homme sait que même le hasard de la naissance permet toujours à certains d’avoir certaines facilités comparées aux autres, mais surtout au manque de confiance et au sentiment de complot des privilégiés contre la plèbe, qu’elle exploiterait sans vergogne pour maintenir ses privilèges. Aussi, ce qui au départ est une différence, devient au final, une inégalité qui doit être combattue, par les modes d’expression des désirs de la population du pays comme le vote.

Cependant le champs politique malgré les slogans reste très peu ouvert à ceux qui n’appartiennent pas à l’élite, car les modes d’accession à la gestion des affaires de la cité ne favorisent qu’une certaine catégorie d’individus, dans les démocraties occidentales, qu’il devient plus juste de prénommer démocratie capitaliste. Comme dans l’idéologie capitaliste, le siège, comme le produit de consommation, ne revient en général qu’au plus offrant. Et pour mieux offrir il faut être nanti. Cependant, il convient de noter que ce qu’il y a, à offrir en général ne concerne pas la réponse effective aux doléances du peuple mais, l’affluence des moyens pour accéder au pouvoir. En occident Les processus électoraux ne peuvent pas fonctionner sans financement. Aussi, là où l’argent joue un rôle déterminant, il traduit les inégalités économiques en inégalités politiques, et sape le principe « une personne, une voix ». On ne peut ainsi être un candidat valable que si l’on a des moyens conséquents. Le rapport mondial sur le développement humain du PNUD publié en 2002 estime qu’ aux Etats-Unis, les candidats à l’élection présidentielle ont dépensé 92 millions de dollars en 1980, puis 211 millions en 1988 et 343 millions en 2000. Si l’on inclut les dépenses des partis politiques, le coût total a dépassé 1 milliard de dollars en 2000. Une étude sur les campagnes électorales des années soixante-dix a montré que les candidats en lice contre des membres du Congrès sortants gagnaient un point de pourcentage de voix pour chaque tranche supplémentaire de 10’000 dollars dépensés. Le rapport précise que de telles dépenses anéantissent l’égalité des chances parce qu’il est pratiquement impossible à un candidat alignant peu de moyens financiers, d’entrer dans la course. Elles augmentent aussi la dépendance des hommes politiques envers certaines sources de financement. Le système démocratique devient ainsi vulnérable face à l’influence fâcheuse de groupes d’intérêts particuliers, et spécialement des milieux d’affaires. les mécanismes de prise de décisions dans les Etats de l’hémisphère nord et dans les pays du tiers monde, permettent à L'élite politique et économique de confisquer le pouvoir. Disposant de moyens officiels de violence, à lui confié par un système qu’elle contrôle, elle a tendance à en abuser pour museler toute dissension à l’ordre établi. Des dissensions qui ne peuvent venir que de la partie de l’Etat qui se sent spoliée par la gestion de la chose publique, à savoir le peuple. Ces mécontentements du peuple, sont en général utilisés par l’élite politique militant dans l’opposition, qui cherche à récupérer le pouvoir contre la classe régnante. Il arrive que l’élite s’étende ou se régénère, en dehors des familles politiques ou de l’oligarchie. En cas de révolte des masses les leaders des mouvements réfractaires se voient souvent cooptés dans le cercle de l’élite. Une cooptation qui à terme corrompt souvent ces leaders, car esseulés ils résistent rarement à la tentation de l’embourgeoisement.

Hubert Marlin

Journaliste


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