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Entretien avec Dr. Régine Mfoumou-Arthur, "Olaudah Equiano", "Descentes aux enfers au


Flashmag reçoit ce mois comme invitée vedette, une écrivaine de talent. Régine Mfoumou – Arthur, Artiste engagée a pour mot d’ordre « faire vaciller le monde avec les mots ». Dans les lignes qui suivent, elle nous parle de sa vie de ses ouvrages, tout en donnant son opinion sur certains sujets d’actualité.

Flashmag :Bonjour Mme Régine Mfoumou- Arthur, pouvez-vous, vous présenter au public et lecteurs de Flashmag ? On aimerait savoir plus sur vos origines votre famille, votre background académique ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur : Je suis née au Cameroun et j’ai passé mon adolescence à Paris où j’ai étudié à l’université de la Sorbonne jusqu’à l’obtention d’un doctorat de littérature en 2001. En fait, j’ai eu un parcours scolaire et académique atypique : après un baccalauréat de comptabilité, j’entame des études d’anglais économique et finalement je me retrouve à faire une maîtrise de civilisation américaine avant de revenir à la littérature en 1997, après avoir découvert un auteur qui allait changer ma destinée académique et même professionnelle, Equiano Olaudah. Après mes études, j’ai travaillé de nombreuses années comme enseignante et traductrice aussi bien à Paris qu’à Londres. J’ai également écrit quelques ouvrages, parmi lesquels un essai politique et un roman. Je suis, depuis 2011, directrice d’une maison d’édition « Rhema Publications ».

Flashmag :En tant que traductrice vous êtes faite remarquée en traduisant un récit historique celui d’Olaudah Equiano (1745?-1797) un ouvrage autobiographique écrit par lui-même à Londres, en 1789. "Olaudah Equiano ou Gustavus Vassa l'Africain : le passionnant récit de ma vie Paris: L'Harmattan, 2002’’. Pourquoi avez-vous choisi principalement cet ouvrage on se rappelle que ce fut l’objet de votre thèse en littérature anglaise soutenue en 2001 ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur : Comme je l’ai dit précédemment, Equiano Olaudah est un personnage qui a bouleversé le cours de ma vie. En fait, pendant mes études, je traduisais des ouvrages pour une maison d’édition. Un jour, on me donne le livre d’Equiano en anglais à lire afin de préparer une note de lecture. C’était en juin 1997. En réalité, je souhaitais faire une thèse de doctorat en continuité avec mon DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies), à savoir, étudier la situation économique des Africains-Américains dans les années 1990. Mais la lecture du récit d’Equiano va totalement changer mon orientation : c’était la première fois que j’entendais (vraiment c’est le cas de le dire)… j’entendais un ancien esclave parler de l’esclavage. Je passais sans doute dans une phase de remise en question également dans ma vie… vous savez, les révoltes internes auxquelles on est parfois confrontées lorsqu’on vit dans un pays étranger. Bref, voir le courage d’un tel personnage face à l’adversité était un peu comme une réponse personnelle que je recevais de lui à ce moment-là de ma vie. Je me souviens toujours que je me disais si Equiano a pu, malgré l’atrocité de l’esclavage, s’en sortir et toujours aller de l’avant, alors je n’ai pas le droit de baisser les bras. Ainsi, au moment où je souhaite commencer ma thèse, j’avais du mal à définir un sujet. Je sais que cela semble paradoxal car en général le sujet étudié pendant l’année précédant la thèse est celui qu’on développe pendant les années de thèse. J’étais tellement indécise que la première fois que j’ai rencontré mon futur directeur de thèse, Serge Soupel, je lui ai parlé de cet ouvrage que je n’arrivais plus à m’ôter de l’esprit. Il m’a dit pourquoi pas et m’a demandé de lui faire une présentation. Lors de notre prochaine rencontre il a validé le récit d’Equiano comme sujet principal de ma thèse. Je m’en souviens comme si c’était hier, car j’étais tellement heureuse que je suis sortie de son bureau si vite que j’avais oublié mon parapluie malgré la pluie battante et je ne m’en étais aperçu qu’une fois retourné chez moi.

Flashmag : la vie d’Olaudah Equiano, un des contemporains de Soubise, vous passionnera a-t-elle point que vous en ferez presqu’une série car en 2005 et 2006 paraitront les ouvrages ‘’L’esclave Olaudah Equiano, les chemins de la liberté’’. Et‘’Olaudah Equiano la passionnante histoire d’un esclave affranchi’’ pourquoi vous êtes-vous focalisée sur sa vie ? Pensez-vous que ce fut un moyen pour vous d’essayer de donner une autre vision méliorative de l’africain, différente de la perception générale des occidentaux ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :en effet, j’ai fait publier entre 2002 et 2006 trois versions différentes d’Equiano. Comme vous voyez, mon enthousiasme a continué d’animer mes actions vis-à-vis de cet auteur exceptionnel. Le but de ces parutions était simple : la première version traduite et publiée chez L’Harmattan (comme les deux autres d’ailleurs) était une version intégrale du récit original. C’est véritablement la version que j’ai traduite pour ma thèse de doctorat avec quelques légers amendements effectués pour les besoins de publication et une longue introduction que j’avais écrite à l’aide des mes recherches. La seconde version, publiée trois ans plus tard, est en fait un abrégé. Le récit d’Equiano comporte deux volumes et certaines parties de l’ouvrage sont redondantes. Je voulais offrir au lecteur une version accessible au grand public, plus courte et par conséquent épurée de détails insignifiants. Cependant, pour cette version, je me suis efforcée de maintenir le message d’Equiano. Enfin, un an plus tard, à la demande de la maison d’édition j’ai réécrit une version adaptée pour les jeunes lecteurs, qui a justement été publiée dans la section jeunesse de L’Harmattan.

Et le livre marchant assez bien, étant devenu comme vous le constatez une référence parmi les livres sur Equiano publiés en français, ma maison d’édition a reçu une offre d’achat de droits de publication de ma traduction de Mercure de France (qui appartient aux éditions Gallimard). Une telle offre ne se refuse pas. C’est ainsi qu’une version de poche a été publiée en 2008.

En définitive, ce sont les circonstances qui me poussent à de nombreuses publications. Par contre, un travail est effectué en permanence depuis la première parution de 2002, puisque j’ai toujours participé aux conférences, aux recherches, aux débats sur Equiano jusqu’à ce jour. Je reste également informée régulièrement de l’avancement des travaux sur Equiano par sa fondation avec laquelle je travaille et communique régulièrement à travers le président d’Equiano Fondation. Finalement, les publications que j’ai commises sur le livre d’Equiano n’ont pas pour but d’apporter une autre vision de l’Africain en Europe. Non, elles ont été pensées principalement pour promouvoir l’homme, son courage et son message. Maintenant je veux bien croire que ces valeurs que j’admire depuis que je l’ai découvert peuvent effectivement contribuer à améliorer l’image des Africains par les Occidentaux, et tant mieux.

Flashmag :De quelle manière, l’epopee d’Olaudah Equiano peut- elle aider les nouvelles générations d’Africain et Afro-descendant à travers le monde ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :Vous savez, aujourd’hui nous vivons dans un monde de plus en plus cruel. La réalité des discriminations, voire du racisme, ne doit plus être occultée. Pour autant, le message d’Equiano est porteur d’espoir. On ne doit pas permettre à l’adversité de triompher de nous tant qu’on croit en soi. C’est pour cette raison que ce message me tient tant à cœur. Il faut avoir la foi ! La foi que les choses changeront toujours en notre faveur. La foi de croire que l’Afrique et les Africains ne sont pas maudits comme je l’ai souvent entendu. Je suis une Afro-optimiste et rien ne me fera douter que notre potentiel n’a pas encore été exprimé ni exploité, aussi bien matériellement que intellectuellement. Mais depuis quelques années, il y a du mouvement ! Et, comme Equiano, il faut que nous commencions à faire nous-mêmes ce qu’on laisse faire les autres aujourd’hui. Equiano est le seul ancien esclave à avoir fait un discours devant la Reine d’Angleterre en son temps, malgré le fait que l’esclavage n’était pas encore aboli en Angleterre. Il a certainement souffert, pleuré, douté, etc… mais surtout il savait et croyait qu’en écrivant ses mémoires lui-même, il pourrait aider sa génération. Il n’a pas fait que les aider. L’impact de son action fait qu’aujourd’hui, il est étudié dans les plus grandes universités anglaises et américaines. Depuis ma traduction française, il est étudié dans certaines écoles en Afrique. Encore ces jours-ci, j’ai reçu un message du Burkina-Faso d’une personne me signalant qu’un cyber-café portant son nom a vu le jour. Bref, nous devons porter le flambeau et faire notre part pour impacter notre génération à notre tour, comme Equiano et bien d’autres l’ont fait avant nous. Pour cela, il faut que nous arrêtions de penser que nous sommes moins intelligents, moins compétents, moins que les autres… j’évite le terme ‘inférieurs’ que je trouve très avilissant. Nous devons croire en nous. Si tu vis dans une maison sale, tu ne peux t’y sentir bien et adopter la solution la plus facile qui est de passer ton temps chez ton voisin qui entretient la sienne. Nous devons commencer à croire en nos valeurs pour les rendre attractives pour nous d’abord, et pour les autres ensuite. Combien d’Africains et d’Afro-descendants passent leur temps à critiquer l’Afrique sans pour autant lever le pouce pour essayer de faire changer les choses. Et, lorsque les Occidentaux essayent quand même, souvent à notre désavantage, car ils ne viennent pas chez nous d’abord par amour mais par intérêt, la seule chose que ces mêmes Africains feront c’est de critiquer leurs actions. Il est peut-être temps de commencer à investir pour les générations à venir. Je parle de l’investissement intellectuel, culturel, social mais aussi matériel. Je connais tellement de personnes possédant un doctorat en France qui se contentent aujourd’hui de petits boulots, alors que leurs acquis peuvent être mis à contribution dans leur pays d’origine pour faire avancer les choses. Là, j’entends déjà certains parler de l’instabilité politique et de l’absence de démocratie en Afrique. Oui, mais… parler sans essayer d’agir fait-il avancer les choses ?

En 2010, j’ai commis un essai politique où je dénonce les actions néfastes d’un politicien camerounais que j’ai pris comme exemple pour dire à la jeunesse camerounaise de ne plus voter sans savoir pour qui on vote et surtout d’être exigente vis-à-vis des politiciens. Le livre a reçu un accueil merveilleux et j’ai été surprise de voir les gens saluer mon courage. Quel courage ? Pour moi, c’était simplement une action citoyenne qui n’a pas de mérite particulier. J’avoue que lors de ma rencontre de la presse camerounaise, j’ai été surprise d’entendre certains m’accuser d’avoir été payée par le gouvernement camerounais pour écrire cet ouvrage. Etant donné que je sais pertinemment que mon action a été construite dans un but de salubrité publique, je ne tiens pas compte des remarques infondées. Le plus important pour moi était de dire ce que je croyais être juste, pour faire avancer la société en sensibilisant la jeunesse à qui je demande, justement dans cet ouvrage, de prendre ses responsabilités et de commencer à demander à ses politiciens de leur rendre des comptes.

Flashmag : parlant de votre ouvrage le plus récent ’’Descentes aux enfers au pays des droits de l’homme’’ un titre à tout le moins fort, de quoi est-il question ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :C’est un roman que j’ai écrit en deux années. J’ai beaucoup réfléchi sur les sujets de sociétés des Africains en Europe. Les problèmes liés à l’immigration sont de grands fléaux dont beaucoup souffrent une fois en terre étrangère sans véritablement en parler. C’est un ouvrage qui brise les tabous et qui surprend, car les gens s’attendent à l’apitoiement. Parfois, il faut responsabiliser les gens. On ne doit plus décider de quitter son pays pour aller vers un autre, juste parce que les autres l’ont fait ou parce que cela nous prend. Bref, cet ouvrage s’adresse avant tout à la jeunesse africaine encline à immigrer en Europe. Ensuite il s’adresse aussi à ceux qui sont déjà en Occident car ils ont une part de responsabilité sur ce qui se passe dans la tête des jeunes restés au pays. En un mot c’est un livre qui permet de réfléchir sur ce qu’est devenu l’Europe pour les immigrés... je ne vais quand même pas vous raconter l’histoire… (rires).

Flashmag : C’est à croire que la France, aurait failli dans sa mission civilisatrice, et qu’elle essaierait de se donner un rôle qu’elle ne saurait jouer, puis qu’elle-même ne serait point indemne de tout reproches en matière des droits l’homme ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :Aujourd’hui comme partout dans le monde, la situation économique fait que la France comme d’autres pays occidentaux ne sont plus aussi ouverts que par le passé. Il est temps de le dire ouvertement. On ne doit pas continuer de prétendre que l’eldorado occidental est opérationnel. Et devant la dureté de la vie, il ne faut pas s’attendre à la compassion ni de la France, ni d’autres pays occidentaux. Vous savez, c’est humain : quand on souffre, l’autre devient vite le bouc-émissaire, voire le souffre-douleur. C’est là que la frontière des droits de l’homme peut aisément être franchie. Regardez les informations en France, en Italie, en Angleterre. L’immigration (en général, car pour l’Angleterre par exemple, elle vient davantage des Pays de l’Est ces derniers temps) est considérée comme source de problèmes socio-économiques. Mais lorsqu’on regarde réellement de près, les immigrés sont-ils les plus enclins à causer ces problèmes dans la société où ils vivent ? De même, quand ils sont impliqués dans une affaire, sont-ils toujours traités décemment selon le code des Droits de l’Homme ? Je crois qu’aujourd’hui, la question du respect des droits de l’homme devient épineuse en Occident et ce n’est pas moi qui le dit, mais les faits que nous voyons régulièrement à la télévision ou lisons dans les journaux.

Flashmag :Que pensez-vous du droit d’ingérence humanitaire qui fut adopter dès les années 1990 par les Nations-unis, certains estiment que c’est juste un outil de politique international dont disposent certaines puissances occidentales pour imposer leur diktat ; Surtout que les interventions sous prétexte le droit d’ingérence ont souvent données voie à d’autres catastrophes humanitaires, dont les pertes en vie humaines tels que récemment en Libye ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :En général je refuse de parler de politique lors des entretiens, mais je vais répondre en quelques phrases. Qu’il y ait une politique d’ingérence humanitaire, c’est bien car cela évite que certains dirigeants se lancent dans des actions incontrôlées à l’encontre du peuple qu’ils sont censés protéger. Maintenant, que ce droit ne s’applique que dans certaines parties du monde et par certaines patries et souvent pour des raisons parfois injustifiées, là on est en droit de se poser des questions. Qu’une nation comme la Lybie voie son dirigeant déchu de la manière dont cela s’est passé, je trouve cela triste car je suis aussi historienne. Que restera-t-il de ce leader déchu ? On sait tous que la mémoire collective retient plus facilement les échecs que les succès. Certes je suis pour la démocratie et il était temps qu’elle s’applique en Lybie, mais pas de cette manière, d’autant plus que je ne crois pas que le bombardement de la Lybie par l’Occident n’a été motivé que par amour pour les Lybiens. Les intérêts stratégiques et économiques ne sont-ils pas, en réalité, les véritables raisons de cette ingérence ? Le peuple lybien bénéficiera-t-il véritablement de cette ingérence ?

L’histoire nous le dira. Honnêtement, je souhaite que la souveraineté des Etats prime, surtout en Afrique subsaharienne. Regardez par exemple ce qui s’est passée en Côte d’Ivoire à la suite des dernières élections présidentielles. C’est scandaleux qu’à l’ère postcoloniale, l’issue du conflit post-électoral ait été commandée par la France. A quel prix pour la Côte d’Ivoire ? Encore une fois, l’histoire nous le dira.

Flashmag : vous avez ouvert votre maison d’éditions basée à Londres Rhema Publications. Est-ce un moyen de vous donner plus de liberté car à ce qu’il paraitrait certains éditeurs sont frileux quant à la publication de certains livres avez-vous déjà subis un refus d’édition de la part d’une maison ou alors subis des pressions pour édulcorer certains de vos manuscrits ? Quel est la philosophie de votre maison d’éditions quels genres d’auteurs elle publie ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :En effet, Rhema Publications a été créée à Londres et, plus tard , à Paris bien que le monde de l’édition soit très difficile et concurrentiel, surtout qu’il existe déjà de nombreux « majors » qui réduisent la visibilité des maisons d’édition comme la mienne. Mais je me suis lancée dans cette aventure en connaissance de cause puisque je suis dans l’édition depuis 2002 et avec le temps, j’ai appris à fabriquer les ouvrages. Comme beaucoup d’écrivains, les refus de manuscrits, oui, j’en ai connus. De même, la pression pour édulcorer des manuscrits, j’en ai fait l’expérience en 2008 avec mon ouvrage Descente aux Enfers justement. Une maison d’édition parisienne avait accepté de le publier, à l’époque sous un autre nom, puis a voulu modifier mon texte en le faisant réécrire par un rédacteur. J’avais refusé de signer de mon nom un ouvrage entièrement écrit par un autre. Trois semaines plus tard, la maison d’édition avait annulé mon contrat. L’affaire a été portée devant les tribunaux naturellement. Et une fois le jugement terminé, j’ai repris l’écriture du roman moi-même et plus d’un an après, je l’ai publié par Rhema Publications, ce qui me permettait aussi de lancer la société. Donc ce n’est pas pour m’auto-publier que j’ai choisi d’ouvrir Rhema Publications, car j’aurai pu aller vers une autre maison d’édition ou le faire sans besoin d’avoir une structure.

Il faut reconnaître que les difficultés que j’ai eues lorsque j’ai voulu publier mon tout premier ouvrage m’ont également incitée à concrétiser ce projet. En créant cette maison d’édition, c’est ma façon de répondre aux attentes des auteurs qui ont du mal à publier leur premier ouvrage. Et, parfois lorsqu’ils parviennent à trouver une maison d’édition classique, cette dernière n’est pas toujours disposée à pousser leur œuvre, la défendre, lui donner une réelle visibilité. Pour moi, un éditeur doit accompagner le livre, le promouvoir réellement. Mais aujourd’hui, le manque d'engagement de la plupart des éditeurs contraint malheureusement beaucoup d’auteurs à devoir s'auto-promouvoir pour leurs écrits, ce qui réduit la marge de reconnaissance entre les auteurs publiés normalement et pris en charge par un éditeur classique et les auteurs auto-publiés. Pour remédier à cela, l’optique de Rhema Publications est claire : tout manuscrit retenu par notre comité de lecture sera porté, élaboré et suivi consciencieusement, avec la participation active de l’auteur.

En gros, c’est nous voulons célébrer le livre, susciter l’écriture et promouvoir la littérature en général. Nous sommes donc prêts à travailler avec les auteurs qui partagent notre ligne éditoriale. Nous restons très ancrés sur notre slogan : « faire vaciller le monde avec les mots ! » Cela signifie que nous sommes très sélectifs et recherchons des auteurs qui veulent impacter leur environnement ou le monde avec des idées et des messages forts. Toutefois, Rhema Publications ne se limite pas uniquement à la publication d’ouvrages : nous organisons également des activités culturelles comme par exemple le festival du Black History Month que nous avons organisé à Londres en octobre dernier.

Flashmag :Du point de vue personnel, avez-vous un temps pensé à commettre un ouvrage sur vos années difficiles d’étudiante Africaine en occident, car vous avez trimé dure pour atteindre vos objectifs ; afin que cela soit une référence qui puissent bénéficier aux générations futures d’étudiants émigrés ? Que pensez-vous de la loi Guéant, qui intime aux étudiants étrangers de retourner dans leur pays d’origine dès leurs études terminées ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :Pour l’instant je n’ai pas intention d’écrire sur mes années de galère. Peut-être un jour, si j’écris mes mémoires. Mais j’en parle volontiers comme un témoignage lorsque je rencontre les jeunes lors de mes conférences. La circulaire Guéant n’a absolument rien de nouveau. Je me souviens qu’aux débuts des années 2000, je travaillais comme traductrice pour une société de communication au centre de Paris. Un journaliste d’origine ivoirienne qui travaillait dans cette boîte a dû quitter son poste parce que sa carte de séjour étudiant (valable un an) venait d’expirer. Il était parti à la préfecture pour la renouveler, et à sa grande surprise, on lui sort une liste avec des chiffres pour lui montrer le nombre de Français qui postulaient pour le genre de poste qu’il occupait. Il travaillait à mi-temps (20 heures par semaine) pour payer ses études et vivre. On lui avait refusé sa carte de séjour en lui demandant de retourner dans son pays, car il venait de terminer ses études et bien que l’entreprise fût prête à le cautionner pour l’obtention de sa carte de séjour. Personnellement, j’ai eu à renouveler treize fois ma carte de séjour étudiant avant d’obtenir la carte de résident. Etait-ce normal ? Vous imaginez la frustration ? Parfois à faire la queue sous le froid… parfois avec la peur au ventre. Pourquoi croyez-vous que je suis restée dix ans à l’université ? Sans doute aussi parce qu’en continuant mes études j’avais la garantie d’avoir ma carte de séjour étudiant ! Et, croyez-moi, chaque année, je demandais la carte de résident, mais on me renvoyait au service des étudiants. Si vous baissez les bras, vous êtes fini… c’est cela la France aussi ! Ce qui se passe aujourd’hui, comme je l’ai dit précédemment, n’est pas nouveau, sauf que certains pays ont de plus en plus du mal à dissimuler certaines réalités.

Flashmag :en tant qu’écrivaine engagée quel est votre philosophie de la vie ? De quelle manière aimeriez-vous contribuer à l’édification d’un monde meilleur ? Que doivent faire les africains et les afro descendants afin qu’ils trouvent une place de choix dans le concert des Nations et des Peuples ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur :Je pense que le fait d’être passée par tout ce que j’ai vécu m’a fortifiée, car aujourd’hui je suis assez terre-à-terre. Je mène une vie simple sans artifice, mais j’essaie de projeter mon optimisme sur les autres. Les épreuves peuvent vous détruire ou vous construire. Le plus important c’est de ne jamais oublier qui nous sommes. Du moment qu’on ne laisse pas les autres nous définir, on arrivera toujours à retomber sur nos deux jambes. De mon entrée à l’université jusqu’à ma sortie, jamais je n’ai eu personne pour me dire de me lever pour aller en cours, je n’ai eu personne pour payer mon loyer donc je bossais tout en étudiant. Je n’avais pas d’objectifs définis c’est pour cela que je suis sortie de l’université avec six diplômes, parmi lesquelles deux maîtrises et un doctorat. Et… j’avais une vie sociale bien remplie avec les jeunes de mon âge. Certes je ne demande pas à tout le monde de faire comme moi, mais ce que j’essaie de dire c’est que jamais je n’ai laissé les circonstances dicter ma conduite, encore moins miner mon moral. Mais mes yeux restaient toujours fixés sur ma sortie du bout du tunnel. Aujourd’hui, les jeunes se découragent tellement vite, car lorsque les choses vont à l’encontre de leurs projets, ils cherchent des raccourcis. Les raccourcis peuvent prolonger le parcours, malheureusement. C’est pour cela que, par mes écrits, je m’adresse toujours à la jeunesse en particulier.

Pour un monde meilleur, les jeunes, essentiellement les Africains et Afro-descendants vivant en Occident ne doivent plus accepter d’être casés, limités par la société. Si c’est mauvais en Occident, mon ami rentre chez toi fièrement et va voir ce que tu peux faire sur place… Permettez-moi de revenir sur Equiano qui a été un exemple indéniable poursa génération. Imaginez un esclave qui arrive à faire un discours devant la reine Charlotte au 18ème siècle. Pourquoi son ouvrage a autant marqué les gens alors qu’il n’était pas le seul Africain, esclave ou non,à écrire à cette époque ? C’est tout simplement parce qu’il a été le seul écrivain d’origine africaine à avoir le courage de dire à ses contemporains Blancs: « Je ne veux pas que vous corrigiez mon texte, même s’il est mal écrit. Laissez-moi dire mon message comme tel ! »Pourquoi ? Parce qu’il savait qu’il pouvait mieux expliquer lui-même son vécu. Mon message aux Africains et Afro-descendants est d’arrêter d’être des consommateurs. Commençons à explorer autour de nous pour devenir des producteurs !

Flashmag : Un mot à l’endroit du public pour clore l’entretien ?

Dr. Régine Mfoumou- Arthur : A ceux qui me lisent aujourd’hui, j’ai envie de dire que nous avons un devoir envers les générations à venir : c’est à nous de commencer à changer les choses. Devenons des acteurs actifs, des bâtisseurs de notre destinée et croyons fermement que l’Afrique et les Africains ne sont pas condamnés à la médiocrité. Pour cela il nous faut arrêter de pointer du doigt les autres et commencer à agir de manière constructive pour une Afrique unie, une Afrique développée, une Afrique meilleure. A mon avis, c’est aussi ainsi que nous amènerons les autres à changer leurs regards sur nous.

Flashmag: La rédaction de Flashmag ainsi que ses lecteurs, vous remercie pour cet entretien qui nous a été gentiment accordé.

NB :l’ouvrage Descente aux enfers au pays des droits de l’homme est disponible via, Rhema publications http://www.rhemapublications.com

Interview realisee par Hubert Marlin Jr.


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