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Entretien avec Ray Lema Musicien émérite


Flashmag dans son édition de ce mois va à la rencontre de l’une des personnalités les plus importante de la musique noire de ces 30 dernières années; Ray Lema Musicien émérite est notre invitée. Dans les lignes qui suivent il revient sur quelques faits marquants de sa carriere, tout en nous donnant son opinion sur les questions relatives à la musique telle qu’il la conçoit et la perçoit. Il nous en dit aussi un peu plus sur ses perspectives d’avenir et ses prochains chantiers...

Flashmag: Bonjour Ray Lema, c’est un grand honneur pour la rédaction de notre magazine de vous avoir comme invité vedette, notre tribune est la vôtre le temps de cet entretien.

Sans tarder nous allons rentrer dans le vif du sujet, tout en commençant par le commencement. Vous êtes né en 1946 au Congo Kinshasa Léopoldville à l’époque, là-bas très tôt étant séminariste vous êtes en constant, contact avec la musique, cette passion aura raison de vous car vous accrochez la soutane pour adopter le clavier, vous aviez préféré la clef de sol à celle de st pierre, pour quoi? Que fut l’élément catalyseur de cette décision qui aurait sans doute créé la controverse dans votre famille?

Ray Lema: Je n’ai pas “raccroché “ la soutane car je n’étais encore qu’un adolescent quand j’ai quitté le séminaire, et je suis d’abord allé au college puis à l’Université avant de devenir musicien professionnel, par ailleurs je devins guitariste (et non claviériste) dans le groupe de Gérard Kazembe. J’étais donc déjà un “jeune adulte” et la controverse avec ma famille s’est située sur le fait d’abandonner des études universitaires pour de la musique de boite de nuit …

Flashmag: en 1974 a seulement 28 ans vous devenez directeur du conservatoire musical de Kinshasa une fonction assez grave, pour un jeune home de votre âge d’alors, surtout si l’on se situe dans le contexte du Congo Zaïre de l’époque et du nombre de talents dont regorgeais le pays, Papa Wemba, Rochereau et bien d’autres , comment avez-vous réussi à mener à bien cette tâche, et qu’était votre relation avec vos congénères tels que ceux cités plus haut ?

Ray Lema: Vous êtes bien mal renseigné. J’ai été directeur musical du Ballet National, et non du « Conservatoire National », qui n’a jamais existé en tant que tel, puisqu’en RDC, l’organisme public s’appelle l’INA (Institut National des Arts) qui regroupe la musique, la danse et le théâtre , dont je n’ai JAMAIS été le directeur.

Flashmag : la précision lève l’équivoque merci…

Ray Lema : Je n’ai par ailleurs jamais eu de problèmes avec les confrères que vous avez cités qui sont tous des chanteurs et non des musiciens instrumentistes, et qui jusqu’aujourd’hui font parfois appel à moi et m’invitent en tant que guest, sur leurs albums. La tâche qui m’incombait au Ballet National était de réunir en son sein des représentants des meilleurs éléments musiciens de toutes les ethnies de notre grand pays. J’ai donc sillonné le Congo, et ramené à Kinshasa environ 70 musiciens, et nous avons travaillé ensemble pendant quelques mois afin de monter le spectacle. J’ai assumé ce poste pendant environ deux ans. En musique il n’y pas de secret, il y a avant tout le travail.

Flashmag: en 1979 c’est le départ pour les Etats-Unis vous êtes boursier de la Rockefeller Fondation, vous découvrez alors l’Amérique de la fin des années 70 et début 80; comment avez-vous été choisi tant il vrai que vous étiez déjà considéré au Zaïre comme l’un des plus brillants musiciens de sa génération?

Ray Lema: Je ne suis jamais parti comme « boursier » de la Fondation Rockfeller, j’ai été choisi parmi d’autres musiciens et avec d’autres venant de pays voisins.

Flashmag: Secundo que furent vos impressions venant de Kin pour New-York ce fut un choc sans doutes comment aviez-vous vécu cela?

Ray Lema: J’étais à Washington DC, et la première chose qui m’a beaucoup séduit c’est l’accès à l’information , c’est à dire les livres musicaux, les disques, les concerts … c’est sur ça que je me suis d’abord jeté. Les studios américains, et la façon d’enregistrer ont également modifié ma façon de travailler, c’est d’ailleurs là que j’ai enregistré mon premier disque sous mon nom (Koteja).

Flashmag: comment s’est passé votre séjour en terre américaine avec quel musicien américain avez-vous eu l’opportunité de travailler?

Ray Lema: J’ai travaillé avec beaucoup de musiciens de jazz surtout, dont je ne

me souviens même pas le nom, celui avec lequel j’ai le plus travaillé et collaboré c’est Stewart Copeland (The Police)

Flashmag: Dans les années 80 vous vous relocalisez en Europe, vous collaborer alors avec les grands noms de la musique africaine tels que Manu Dibango. Que représente cette période dans la genèse de votre carrière? Quels souvenirs en gardez-vous?

Ray Lema: Là encore vous faites erreur. J’ai croisé bien entendu Manu très rapidement, et nous avons fait au début de mon installation à Paris quelques rapides collaborations en studio sur des disques, mais ce n’est que beaucoup plus tard, il y a environ 6 ans, que nous avons réellement collaboré et partagé scènes et tournées pendant 3 ans en duo. J’habite toujours en France, donc cette période représente toujours ma vie actuelle. Je garde un très bon souvenir de mes collaborations musicales en général, car elles sont motivées par des rencontres tout autant humaines que musicales, sinon je ne m’engage pas dans la rencontre.

Flashmag: nous avons basé nos questions sur les informations dont nous disposions vos divers biographes ne nous ont pas rendu service hélas heureusement que vous etes la pour rectifier... à ce jour vous avez mis sur le marché un dizaine d’opus et collaboré dans une multitude de projets musicaux. S’il fallait que vous citiez votre album favori lequel serait –ce? Et s’il fallait parler de votre collaboration favorite laquelle serait-ce?

Ray Lema: Quand on a plusieurs enfants, peut-on réellement dire que l’on a une préférence ? Chaque album a sa particularité, ses histoires humaines et musicales et correspond à un moment de ma vie et de mon chemin dans la musique.

Flashmag: on le dit sans euphémisme aucun, vous êtes un musicien hyper doué , qui a réussi à faire une véritable alchimie entre la musique africaine et la musique occidentale classiques tutoyant le jazz et le negro spirituals,

aujourd’hui s’il fallait définir votre style musical, que diriez-vous ? Quelles sont les diverses influences que vous avez dans l’élaboration de vos œuvres? Quels sont les sujets qui vous inspirent le mieux?

Ray Lema: Mais les réponses sont dans votre question, vous avez très bien défini, et mes genres et mes influences !

Flashmag: l’artiste est un véritable témoin de la société bien que votre œuvre musicale soit vaste, en général quelle est sa portée philosophique ? Quel message vous avez tendance à passer de manière générale?

Ray Lema : Je ne suis qu’un musicien, poète, politicien, philosophe, tout ça ce sont d’autres métiers où il y a déjà beaucoup de Maîtres. Moi j’avance simplement dans mon chemin sur la musique, et faire plaisir à ceux qui m’écoutent, les faire danser, les faire rêver, est déjà une belle récompense. Je n’ai pas d’autre prétention.

Flashmag: véritable musicologue en quelque sorte, en 2009 on vous a vu au Brésil collaboré avec l’orchestre symphonique de Sao Paulo, sur quoi se portait cette collaboration musicale? Que répondriez-vous aux critiques qui estiment que votre musique est trop intellectuelle pour la consommation en masse?

Ray Lema: Que voulez-vous dire par musicologue ?

Flashmag : une espèce d’agrégé de la musique vue votre parcours et votre endurance?

Ray Lema: je ne suis pas vraiment musicologue meme si c'est vrai que je suis la depuis un bon bout, je suis musicien ! J’ai été invité par le Jazz Sinfonica Orquestra de São Paulo en tant que musicien. Le Maestro a choisi 13 pièces parmi mes compositions et les a arrangées pour son orchestre. J’ai été invité ensuite pour jouer en concert avec l’orchestre, en tant que soliste. Il n’y a rien de mystérieux à cela, tous les mois, cet orchestre invite un artiste dont il retravaille les œuvres et les présentent en concert.

Quant aux musiques de “masse” comme vous dites, je vous répondrais qu’il faut de tout pour faire un monde, écoutent mes musiques ceux qui en ont envie.

Flashmag: en parlant de la musique populaire contemporaine et de la génération plus récente de musiciens qui inondent le marché, que pensez-vous du fait qu’on ait l’impression d’écouter la même chose chaque fois; en outre que dire de la tendance actuelle, de verser dans la vulgarité de langage et de continuer à bien se comporter dans les charts malgré tout? Y a-t-il une crise de créativité dans le monde de la musique?

Ray Lema: Il y’a sur le marché toutes les musiques, pour tous les gouts et tous les âges, ce dont vous parlez c’est de la musique véhiculée par les grand medias, ce que les américains ont appelé “Mainstream”, mais pour faire un grand fleuve, il faut beaucoup de petites rivières et d’affluents, si vous cherchez en dehors de ces medias, et du business qui s’y rapporte, vous trouverez alors une foule d’artistes qui sont très créatifs, qui jouent peut-être pas dans des stades, mais qui existent, malgré le fait que l’on ne parle pas d’eux. Il y a un grand public qui se contente de ce mainstream, mais il existe également un public, peut-être moins visible qui cherche et trouve autre chose.

Flashmag: De ces phénomène suscités, dont le manque réel d’ingéniosité certains accusent, le formatage excessif des majors compagnies de production, qu’en pensez-vous? Que dire du fait que le génie artistique, et la liberté de création soient embastillés par les règles rigides de la consommation en masse?

Ray Lema: Les majors ne s’intéressent plus depuis fort longtemps à la créativité. Et depuis quelques années déjà, ce qui se produit de plus créatif n’est plus dans les majors. Les artistes, surtout les musiciens (qui ne sont pas, ou rarement, des « vedettes » ) ont depuis trouvé des moyens de se produire seuls et ne sont plus signés depuis bien longtemps dans les majors. Il faut lever le nez des charts et oublier un peu MTV si vous voulez avoir une vraie vision de ce qui se passe dans le monde au niveau de la musique, la vraie créativité et la liberté se trouvent justement en dehors de ce système.

Flashmag: si la musique noire avec les artistes de l'hémisphère nord a acquis ses lettres de noblesse que pensez-vous de la musique africaine originale? A votre avis quelle est la place qu’elle occupe dans l’échiquier mondial? Que doivent faire les musiciens africains pour mieux vendre leur art?

Ray Lema: Il conviendrait de s’entendre dans un premier temps sur ce que vous appelez “musique africaine originale” ? De quoi parlez-vous ? À l’échelle d’un continent comme l’Afrique ? Avec toutes ses différences entre le sud, le nord l’est et l’ouest ? À l’intérieur de nos Nations , qui ne sont même pas encore des Nations, composées la plupart du temps de centaines d’ethnies avec langues et musiques différentes. Parlez-vous de ce qui se passe dans les grands centres urbains, ou parlez-vous des musiques traditionnelles ? Vous voyez , avant de penser à commercialiser quelque chose, il faudrait déjà s’entendre sur quoi ?

Flashmag: nous parlons de la musique sur support commercialisable, peut importe son credo...

“une vie sans causes est une vie sans effets” Ray Lema est-il un musicien engagé ? Quel sont ses idéaux de société? De quelle manière aimerait-il contribuer à un monde meilleur?

Ray Lema: Mon engagement est sur l’éducation, il n’y a que l’éducation pour éveiller les consciences. Donner la possibilité aux gens d’analyser par eux-mêmes leur situation et les sociétés dans lesquelles ils vivent. J’essaye à mon petit niveau et dans mon domaine, qui est celui de la musique d’aider autant que se peut, autour de moi.

Flashmag: au moment de clore cet entretien avez-vous une mention spéciale à l’ endroit du public? Que savoir sur votre plus récent opus un mot sur sa composition? Quel est votre agenda des jours à venir?

Ray Lema: Pour faire suite, à vos remarques sur le public Mainstream et à mes réflexions et réponses, nous avons, avec ma petite équipe, monté un site, qui n’est pas encore terminé, que nous souhaitons au fur et à mesure, transformer en plateforme d’échanges, d’accueil et d’information. Quelques exemples, d’ici la fin du mois d’août, la petite boutique en ligne, accueillera des artistes de différents pays et tendances, qui ne trouvent justement pas ou peu de distribution, des infos sur les actualités de ces artistes, et quelques vidéos que je suis en train de préparer, à vocation éducative sur des points bien précis de nos musiques traditionnelles africaines. Cela prend déjà beaucoup de temps. Quelques nouveaux opus en préparation également, dont vous aurez la surprise en début 2013.

Merci à vous.

Flashmag: Ray Lema, Flashmag et son lectorat vous remercie pour cet entretien.

Interview réalisée par Hubert Marlin Jr

Extrait video Ray Lema & JAZZ SINÔNICA DE SÃO PAULO BRAZIL


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