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Economie et migrations


Les migrations sont au centre de la création et du développement des sociétés humaines depuis des temps immémoriaux. Selon le prof. Henri Guitton La science est savoir, c'est-à-dire connaissance. C'est une pénétration, une prise de possession par l'esprit de certains objets du monde. Aussi beaucoup ont essayé de trouver une explication scientifique à l’impact des migrations des peuples sur l’économie, en objectivant de manière rationnelle l’impact des migrations sur l’économie des pays. Le commerce, les échanges, la création de la richesse se fait grace à la communication.

Et qui dit communication, sous-entend voyage d’un point à l’autre des personnes et des biens. L’existence de la vie et le développement du monde jusqu’à l’ère actuelle, est le fruit des échanges et des migrations. Echanges et migrations qui parfois se sont réalisées de manière cruelle, comme l’illustre si parfaitement l’histoire trouble de l’esclavage et de la colonisation occidentale à travers le monde, qui a connu son lot de migrations forcées des populations.

Pendant des milliers d’années, l’individu qui avait les moyens pouvait voyager ou bon lui semblait sans encombre majeure, cependant la création des états dit modernes et la montée des égoïsme nationaux, corolaire du nombrilisme étatique du début du 20e siècle a sonné le glas des migrations libres en adoptant une réglementation stricte régissant les mouvements d'un point à l'autre du globe. Si dans la Rome antique la codification faisait déjà des étrangers des citoyens de seconde zone, à qui certains droits étaient proscrits comme celui de posséder la terre ou même de convoler en justes noces avec la population locale. A l’aune de l’émergence de la conception des politiques protectionnistes à travers le monde, l’immigration est devenue un cheval de Troie des politiques qui l’utilisent à tort ou en travers, pour justifier leurs agendas. Stigmatisant la xénophobie pour s’assurer le vote des citoyens frustrés économiquement, par des gestions scabreuses de la chose publique qui ne sont nullement le fait des migrants. Cependant, la réalité sur les migrations et leur impact sur les économies des pays de hémisphères nord et sud, est bien éloigné des clichés que véhicule la presse occidentale et les démagogues.

Les chiffres traduisent des faits qui définitivement jettent du discrédit sur l’idée du migrant profiteur, criminel et créateur de chômage. Un slogan brandi par la vague de populisme au relent fasciste, qui semble toucher l’occident. L’oxymore est la figure de style qui traduit au mieux l’idée du migrant habile dans les tâches subalternes, qui sont honnies par les nationaux, mais qui malgré tout serait un facteur de chômage. Dans une escobarderie digne de la prestidigitation, il est illusoire de faire fi du rationalisme, dans une société occidentale qui se veut cartésienne, en faisant croire aux profanes que la réponse à une offre créé un manque, alors que c’est l’opposé. Une offre d’emploi pourvue, créant toujours un autre débouché économique. lorsque, le caractère illégal des migrants proscrit leur emploi légal dans les postes convoités par les nationaux, dans un exemple classique, le migrant qui vivrait de petits boulots aiderait à tout le moins à la consolidation de l’industrie du transfert d’argent dans le pays hôte, tout en devenant un facteur important de la lutte contre le sous-développement dans son pays d’origine avec des transferts d’argent, qui ces dernières années, dans le cas des pays de l’Afrique et de l’Amérique latine, ont contribué au recul de la misère sous les tropiques, mieux que les fameuses aides au développement des pays de l’hémisphère nord envers les pays du sud. Une aide qui malgré sont libellé est en fait des prêts et précontrats entachés de clauses sur l’exploitation de certaines ressources minières stratégiques ; lorsque ce ne sont pas les gouvernements qui sont sommés soit de démissionner, soit d’observer certaines directives qui mettent à mal la souveraineté des Etats.

En 2017 les immigrés africains en occident ont renvoyé plus de 65 milliards de dollars vers l’Afrique, plus du double des fameuses aides (prêts) au développement qui eux n’ont atteint que 29 milliards de dollars.

Les enquêtes du programme des nations unis pour le développement estime que le nombre de migrants internationaux et de réfugiés dans le monde au début des années 90 était de l’ordre de 120 à 130 millions, contre 70 millions au début des années 60. En 2019 ce nombre pourrait être d’environ 150 millions, soit plus du double du début des années 60, alors que la population mondiale elle-même a plus que doublé passant de 3 milliards en 1960 à plus de 7 milliards en 2019. Avec une proportion des migrants internationaux et refugiés qui est restée la même soit 2.5% de la population mondiale. Les états en faillite dans le cas d’un pays comme la Libye, le Congo ou la Somalie offrent des possibilités illimitées dans l’exploitation servile des ressources. Lorsque, l’autorité de l’État pâlit, il n’ ya plus d’impôt à payer à un pays normalement structuré, pour exploiter certaines ressources. mais quelques poignés de dollars çà et là distribués à quelques chiens de guerre, suffisent pour s’assurer l’accès aux ressources.

Les citoyens les plus misérables ou moins éduqués ne sont pas toujours les plus à même à immigrer .

En réalité les meilleurs candidats à l’immigration sont ceux qui ont souvent un niveau d’éducation qui leur permet d’avoir un désir d’immigrer. Aussi, les immigrants issus des pays colonisés par l’occident en Afrique, ont tendance à estimer que la réalisation de leurs meilleures ambitions n’est possible que dans les plus grandes métropoles occidentales. Malgré la fin de la colonisation, le modèle social économique qui consiste à faire de l’Afrique un champ exotique d’exploitation, et de l’occident la cité moderne qui jouit des richesses issues du champ d’exploitation, logiquement sous-tend une espèce d’exode rural. En dehors de la propagande occidentale qui veut ce soit toujours mieux en occident qu’en Afrique, ou dans le Pacifique et les Caraïbes, les réalités sur le terrain sont édifiantes. En moyenne, le produit intérieur brut des pays de l’hémisphère nord est 1200 fois supérieur à celui des pays de l’hémisphère sud, et avec la globalisation de la consommation, un citoyen des pays du sud avec son salaire ne peut pas, en général s’acheter un téléphone dernier cris, comme son homologue occidental, pourtant tous ont accès à internet et sont forcément influencés par l’actualité internationale et économique. Pour combler ce manque, le principe de créer un système économique préférentiel pour les marchés où le PIB des populations est faible a souvent été évoqué, mais il va à l’encontre des lois économiques du profit, car il serait difficile de vendre sur internet une musique qui a été produite avec les mêmes moyens à un prix de discrimination positive pour l’Afrique et l’Amérique latine. La nature ayant horreur du déséquilibre, l’économie parallèle ou marché noir s’est imposé logiquement pour combler ce manque d’inadéquation de la demande à l’offre ultra onéreuse. Aussi, la piraterie a trouvé un marché idéal pour se répandre. Il n’est pas ainsi surprenant de voir un film qui à peine est sorti à Hollywood se retrouver dans l’achalandage des marchands ambulants de Douala ou de Lagos. De la même manière des réseaux de contrefaçon de la technologie ou même du vol et de la contrebande des appareils technologiques dernier cri se sont développés pour apporter aux Africain et latino-américains les bienfaits de la technologie à un prix abordable. La percée de la Chine en Afrique avec la technologie bon marché s’explique aussi, lorsque l’on prend en compte le gouffre du pouvoir d’achat qu’il ya entre les citoyens des pays de l’hémisphère nord et du sud.

Entre le milieu du 19e siècle et les années 30, l’émigration de l’Europe vers l’Amérique et celle des travailleurs asiatiques vers les plantations et les grands chantiers d’Amérique, d’Afrique et d’Asie, concernait 100 millions de personnes, pour une population mondiale qui en 1900 était quatre fois inférieure à celle de 2019. Pareillement après la seconde guerre mondiale la reconstruction de l’Europe occidentale s’est faite sur la base des immigrants venant de l’Europe du Sud et de l’Est. On estime ainsi que plus de 60 millions de migrants européens ont dû investir l’Europe de l’Ouest.

L’explosion des conflits pour l’influence et l’accès aux ressources, pendant et à la fin de la guerre froide, a créé un nombre astronomique de réfugiés dans le monde. Cependant, beaucoup refusent d’admettre que le plus grand nombre de réfugiés s’exile toujours en priorité dans les pays frontaliers. Le nombre de réfugiés recensés par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés est passé d’environ 1,5 million au début des années 60 à 12 millions à la fin des années 90, dont près de 5 millions en Asie et 3,5 millions en Afrique. Et les données disponibles suggèrent que la majorité des nouveaux migrants et des réfugiés se dirigent aujourd’hui vers d'autres pays du Sud, voisins ou de la même région, et non vers les pays du Nord.

L’occident en général a encouragé l’immigration quand cela convenait à sa situation économique, et paradoxalement les pays européens comme l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou le Portugal qui aujourd’hui se sont complètement fermés à l’immigration sont ceux qui depuis plus d’un siècle ont fourni le plus grand groupe d’immigrants à travers le monde.

En Afrique par exemple des maisons de commerces fondées par des immigrants grecs existent depuis des générations, tandis que les communautés italiennes issues de l’immigration sont bien connues en Amérique du nord et en Amérique latine. Pendant les périodes de prospérité des décennies 50 et 60, les migrations vers l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord venant des pays moins nantis, voisins ou lointains, ont été officiellement encouragées. Le problème principal était alors de satisfaire les besoins en main-d’œuvre et de poursuivre la croissance, par les migrations, considérées comme bénéfiques et nécessaires au développement des pays de destination, et accessoirement ceux d’origine des migrants, par les flux monétaires et le transfert des technologies. Il ya une sélection naturelle qui sous-tend l’immigration. Qu’on le veuille ou pas, n’immigrent que ceux qui ont les moyens. Pour émigrer, en particulier d’un pays pauvre vers un pays riche, il faut disposer d’atouts et de connaissances, argent du départ, minimum d’éducation et de santé, relations dans le pays de destination, qui sont hors de portée de la majorité des citoyens du tiers monde, en particulier les moins éduqués et les plus pauvres. Et dans tous les cas de figure celui qui est candidat à l’immigration même quand il n’a pas d’argent bénéficie au moins d’une santé robuste qui lui permettrai de traverser le désert du Sahara de l’Afrique vers l’Europe ou de celui de l’Atacama de l’Amérique latine vers l’Amérique du nord.

De manière paradoxale les pays qui amorcent une courbe de croissance dans le développement économique fournissent souvent plus d’immigrés le dessein dans le cas d’espèce est souvent d’aller chercher ailleurs les moyens de maintenir une certaine croissance souvent par la connaissance. Aussi, dans les années 70, 80, et 90 la Chine a produit une élite universitaire qui s’est formée dans les meilleures écoles occidentales. De même aujourd’hui dans le cas d’un pays émergent comme l’Ethiopie on remarque que sa diaspora pareillement aux chinois des années 70, 80, et 90, se retrouve dans les pays de l’hémisphère nord comme les Etats-Unis et contribue largement au développement de l’Éthiopie. Cependant, après une phase de développement exponentiel le désir de rester chez soi apparaît de manière logique. Aussi comme les espagnoles et les italiens qui après les années soixante ont décidé de rester chez eux, les chinois des années 2000 décident de plus en plus de rester chez eux et ne voyagent que pour des raisons précises d’éducation ou d’opportunité d’affaire ou de loisirs. L’immigration visant à l’amélioration de la situation économiques des individus, n’est plus prépondérante ; le pays pouvant désormais remplir ses obligations sociales et économiques envers ses citoyens.

La strangulation des pays de l’hémisphère sud par une exploitation servile de leurs ressources renforce la paupérisation des pays du Sud. Aussi, au Niger, l’un des tous premiers producteurs mondiaux d’uranium par l’entremise de la multinationale française AREVA qui ne reverse rien ou presque à l’Etat nigérien, le produit national par habitant est actuellement de 200 dollars par an.

Le Niger mettrait 100 ans pour atteindre le produit national par habitant actuel des pays de l’Europe de l’Ouest qui est de 25 000 dollars, si la croissance annuelle de son produit national par habitant se maintenait à 5 %, et 250 ans avec une croissance annuelle de 2 %. Si, malgré les écarts abyssaux de revenus entre pays du Nord et pays du Sud, les migrants internationaux ne sont pas plus nombreux, c’est que, d’une part, les migrations ne peuvent être réduites à leur seule dimension économique et que, d’autre part, la grande pauvreté et son corolaire la sous éducation, doublé aux politiques restrictives qui freinent la mobilité des migrants ont une certaine efficacité. En exploitant et en créant la misère chez les autres il est logique de penser que l’occident a tendance à se calfeutrer derrière une muraille pour empêcher que ceux qui sont pillées viennent lui demander des comptes, par une immigration massive. Le lien entre l’exploitation servile des pays du sud et la création des réfugiés et migrants est réel, car les pays qui sont déstabilisées dans des guerres d’accès aux ressources comme le Congo, la Lybie, la Syrie, l’Irak, voire même le Venezuela produisent indubitablement des refugiés de guerre, tout comme les pays qui ploient sous l’emprise du néocolonialisme comme l’Afrique dite francophone produisent des réfugiés économiques. La liberté de circulation relève du droit des personnes, et la liberté d’établissement dans un pays est un droit des Etats. Le dilemme est qu’en restreignant trop la liberté de circulation, on affecte négativement les échanges de toutes sortes entre pays et forcement on crée plus de misère dans le monde. En limitant les possibilités d’accès au savoir des jeunes des pays en développement, on crée en occident une situation préjudiciable aussi bien à l’économie des pays du sud qu’au pays de l’hémisphère nord, qui avec le vieillissement palpable de sa population d’ici 2050 sera à court de main d’œuvre. Une situation d’autant plus désastreuse que les pays pauvres d’aujourd’hui notamment avec l’influence de nouveaux partenaires comme la Chine sont en train de se développer ; et si d’ici 2050 certains pays du Sud atteignent le point de satiété qui fera à ce que ces citoyens restent plutôt dans leur pays au lieu de chercher à immigrer en occident, ce sera une grande désolation pour l’hémisphère Nord. Pareillement, la faillite du système de retraite est annoncée aux horizon 2050 aux États-Unis ; car il n’y aura plus assez de population active pour permettre au système de continuer à fonctionner normalement .

Une étude récente des Nations unies, « Migration de remplacement », montre, dans le cas de la France, que la poursuite d’une immigration de l’ordre de 100 000 personnes par an serait nécessaire pour maintenir la population active constante à son niveau actuel, mais qu’une immigration trois fois plus forte serait nécessaire pour limiter à 3 la dégradation du ratio : population de 15 à 64 ans/population de 65 ans et plus, qui est aujourd’hui de 3,5. L’égoïsme, voir le racisme qui sous-tend les politiques de restriction des migrations vers l’occident sera-t-il assez efficace pour pallier les problèmes graves qui interpelleront la société occidentale dans un futur proche ?

Hubert Marlin

Journaliste

Sources : Jean-Pierre Guengant, « Migrations internationales et développement : les nouveaux paradigmes », Revue européenne des migrations internationales, 1996 (12) 2, pp. 105-119.United Nations (2001). Replacement Migration : is it a solution to declining and ageing populations ?, ST/ESA/SER.A/206, Sales No. E.01.XIII.19.Georges Tapinos, « Mondialisation, intégration régionale, migrations internationales », in « La migration internationale en 2000 », Revue internationale des sciences sociales, septembre 2000, n° 165, Unesco/Erès, pp. 343-352.


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