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Erick Achille Nko’o : une analyse géo terroriste de la situation sécuritaire en Afrique s’impose.


L’invité de la rédaction de Flashmag ce mois est Erick Achille Nko’o, écrivain analyste politique et spécialiste de la géopolitique arabo-musulmane. Dans une interview extensive et concise sur la situation sécuritaire en Afrique et le phénomène Boko Haram il nous donne son avis sur la question.

Flashmag : Bonjour Erick Achille Nko’o heureux de vous avoir comme invité de la rédaction ce mois. Vous parlez couramment l’arabe, et avez longtemps étudiez dans la partie septentrionale du continent Africain ou vous avez pu toucher du doigt certaines réalités dont la montée en force des nébuleuses terroristes. Aussi sans plus tarder la première question que j’aimerais vous poser est de savoir comment en est-on arrivé là, selon vous?

Erick Achille Nko’o : Il faut avant toute chose reconnaitre que la violence existe depuis la création de l’humanité. Sauf que celle-ci a connu des mutations avec l’évolution structurelle de l’humanité. Le terrorisme contemporain quant à lui, s’est accentué avec la chute du communisme. Ainsi pour répondre à votre question, je pense à mon avis que l’insécurité que connait le monde aujourd’hui est sans doute la conséquence de la révolution arabe et particulièrement de la chute du régime Kadhafiste en Libye. Il était évident que toutes ces armes qui se baladaient entre les mains des milices-mercenaires qui ont combattu contre le guide libyen gagneraient un autre champ de bataille. Sur le plan social, la pauvreté ouvre une grande porte au terrorisme transfrontalier. Enfin sur le plan économique, la conquête énergétique à l’instar du gaz fait que les grandes puissances se battent en Asie et en Afrique comme cela a été le cas en Libye et en Syrie et même en Ukraine.

Flashmag : vous semblez dans un premier temps admettre dans certains de vos écrits que le terrorisme combattu ardemment en orient, par l’occident s’est déplacé en Afrique ou il a trouvé un havre de paix vu le chaos social qui y prévaut pouvez-vous être plus explicite?

Erick Achille Nko’o : Cela va sans dire, le terrorisme vécu en Afrique et dans le monde en général, est avant tout le prolongement des guerres et les mécontentements que l’occident a créé dans le moyen Orient avec notamment, son jeu trouble dans la résolution du conflit israélo-palestinien, la destruction de l’Irak et la sentence à la guillotine de Saddam Hussein en pleine fête du mouton. Un acte inhumain qui insultait et écorchait l’islam au regard de ce que la fête de la tabaski représente pour les musulmans. Bien plus, il faut noter l’occupation de l’Afghanistan par les Etats unis. De ce point de vue, on peut déduire l’existence d’une forte probabilité que leurs ennemis du moyen orient les poursuivent en sol africain et c’est ce qui explique les attaques terroristes et les enlèvements que l’on voit ça et là contre américains, français et britanniques.

Flashmag : le terrorisme que subit l’Afrique pour certains est compris comme une nouvelle guerre d’oppression contre le continent noir, une guerre dont le seul but est de garder sous le joug du néocolonialisme le continent noir êtes-vous de cet avis?

Erick Achille Nko’o : Rien n’est à exclure. Bien de pays africains et mêmes asiatiques où le terrorisme est bouillonnant sont victimes de leur envie de multiplier des partenaires économiques. La France par exemple perd de plus en plus de marchés en Afrique au profit de la Chine qui ne s’ingère pas dans la vie politique des états africains. On a vu le rôle qu’a joué la France en Côte d’ivoire et en Libye. Pour le cas du Cameroun où la France a perdu des marchés importants, la conséquence directe a été l’enlèvement des chinois qui exécutaient des projets cruciaux dans la partie septentrionale du Cameroun.

Flashmag : parlant de Boko Haram et de la situation qui prévaut au Cameroun et au Nigeria voisin, quelles sont les réalités des forces en présences? Y a-t-il une chance que ce fléau soit éradiqué une fois pour toute?

Erick Achille Nko’o : Une chose est certaine Boko Haram ne pourra pas prospérer. L’approche militaire amenuisera sans doute sa violence et sa capacité de nuisance. Mais toutefois, l’idéologie que cette nébuleuse prône, demeurera si aucune approche idéologique n’est mise sur pied dans chacun des pays où cette nébuleuse takfiriste existe pour pouvoir la contrer. A mon avis, pour combattre une idéologie, il faut l’opposer à une autre idéologie auquel cas, elle pourrait rejaillir dans l’avenir.

Flashmag : une coalition se met en place comment pouvez-vous apprécier l’entrée en guerre du Tchad au côté du Cameroun pour combattre la nébuleuse terroriste?

Erick Achille Nko’o : Disons que la riposte de la commission du bassin du lac Tchad contre le BH est salutaire. La présence du Tchad participe d’abord de la protection de ses intérêts économiques au Cameroun ainsi que de sa capitale Ndjamena qui est vulnérable de par sa position géographique. L’entrée en guerre des pays membres de la commission du bassin du lac Tchad, montre la capacité des pays africains à pouvoir se prendre en charge eux-mêmes au lieu d’attendre de manière sempiternelle l’aide les grandes puissances qui finissent souvent par amoindrir l’espoir de paix comme ce fut le cas en Centrafrique. Au delà de cela, il faut comprendre que la gouvernance sécuritaire mondiale exige plus de solidarité entre les états. Autrement dit, il est impératif que tous les états du monde se mettent ensemble pour barrer la voie au terrorisme à défaut, le monde entier sans exception aucune subirait la loi des terroristes

Flashmag : l’armée Tchadienne dans ce conflit est considérée par certains de nos confrères journalistes français comme une armée supplétive à l’armée française, qui a installé la base de l’opération Barkhane au Tchad, une France qui de plus en plus est accusée de supporter l’instabilité dans la sous-région pour ses intérêts néocolonialistes pensez-vous que le Cameroun doit faire confiance au Tchad surtout lorsqu’aux dernières nouvelles la contre-attaque sur Fotokol a été fatale pour environ une centaine de camerounais militaires et civils confondus, du jamais vu depuis le début de ce conflit?

Erick Achille Nko'o: C’est vrai qu’au regard du rôle trouble de la France dans le conflit post électoral en Côte d’ivoire et en Libye en passant par la Centrafrique, il faut bien se douter de la sincérité de cette même France qui a voulu que sur son sol le président Paul Biya déclare la guerre contre le BH sans pour autant lui donner les moyens logistiques pour faire la guerre. Dans tous les cas, je pense que la France a intérêt à faire montre de sincérité dans la lutte contre le terrorisme auquel cas sa sécurité serait davantage menacée. Vue dans cette perspective, l’opération Barkhane pourrait assister l’armée camerounaise par des moyens logistiques sans pourtant s’y impliquer directement.

Flashmag : dans l’un de vos memo que j’ai lu avec beaucoup d’intérêts vous sembler être pessimiste sur la faculté des gouvernements africains de venir à bout de cette nébuleuse pourquoi?

Erick Achille Nko’o : C’est tout simplement parce que la source du terrorisme n’est pas africaine. Comment voulez-vous que les gouvernements africains endiguent un mal qui a ses racines ailleurs? L’occident joue un rôle important dans la prolifération de la violence. Si l’on voudrait diminuer le terrorisme, il faut bien que la riposte soit globale comme le président Paul Biya du Cameroun l’a dit: « à menace globale réponse globale ». Lu ainsi, il revient d’abord aux grandes puissances de faire plus d’efforts dans la lutte contre le vrai terrorisme. Et bien plus, les grandes puissances doivent cesser d’imposer au monde entier la demon-crazy au profit de la démocratie comme elles l’ont fait en Libye et en Irak. En plus, il faut comprendre que l’Afrique semble être favorable à l’insécurité du fait de la porosité de ses frontières. Elle est déficitaire de systèmes sécuritaires de pointe ce qui fait que les gouvernements africains ne sont pas toujours capables de répondre aux éventuelles attaques terroristes. Aussi, les dirigeants africains restent divergents sur plusieurs aspects importants de la vie politique en Afrique. Or, pour pouvoir endiguer ce phénomène, il est judicieux de coopérer pour mieux assainir la gouvernance de manière globale et sécuritaire de manière spécifique. Ce qui est loin d’être réalisé en Afrique.

Flashmag : pour vous le terrorisme transfrontalier et le takfirisme ne sont qu’une mafia, dans cet optique on est tenté de poser la question de savoir quel est le véritable objectif, puisque les victimes jusqu’à nos jours sont des populations qui ne roulent pas vraiment sur l’or selon vous quel est le véritable objectif? Logiquement On ne peut pas décimer une population et prétendre vouloir régner sur une population qui n’existe plus à cause des massacres et de l’exile qu’elle subit?

Erick Achille Nko’o : Cela va sans dire, le terrorisme tel qu’il se configure en Afrique aujourd’hui est le prolongement du trafic d’armes, de drogues et le blanchissement d’argent qui ont longtemps dominé dans la région du sahel. Cette partie de l’Afrique a longtemps été le carrefour par lequel le cannabis transite avec bien entendu toutes sortes de crimes et violence qui vont avec. Bien plus, pour qu’un groupe tel que Boko Haram soit armé de manière aussi sophistiquée, cela suppose le financement des puissances financières soient-ils des états ou non, et le ravitaillement de fabricants d’armes. C’est vrai, qu’une partie de cet armement est venue de la Lybie mais, à mon avis, il faut voir sa provenance des puissances occidentales qui fabriquent et vendent des armes.

Flashmag : que reste-t-il à faire pour venir à bout de cette nébuleuse selon vous?

Erick Achille Nko’o : Comme je l’ai dit précédemment, tous les états doivent se mettre ensemble de manière sincère pour lutter contre la violence. Il est important d’améliorer la gouvernance sécuritaire. Pour y arriver chaque État doit mettre sur pieds des mécanismes qui visent à assainir la gouvernance dans sa globalité. La communauté internationale doit surtout aussi donner la possibilité d’une démocratie qui respecte les valeurs culturelles de chaque espace géographique. Bien plus, il faut sans hypocrisie résoudre le conflit israélo-palestinien qui alimente implicitement la violence dans le monde; c’est-à-dire comprendre que la Palestine doit exister en tant qu’État au même titre qu’Israël.

Flashmag : avec l’approche militaire actuelle et la direction que semble avoir pris la manière de traiter ce conflit pouvez-vous faire un pronostic ?

Erick Achille Nko’o : Que ce soit Boko Haram ou même l’EIL aucun de ces groupes n’a la chance de prospérer. cependant dans un sursaut d'orgeuil acculés il se pourrait qu'ils aient recours aux attentats avec kamikazes et les villes à forte densité avec populations hétéroclites sont particulièrement vunérables un effort doit être fait à ce niveau .

Flashmag Erick Achille Nko’o Flashmag et son lectorat vous remercient pour

cet entretien.

Erick Achille Nko’o : C’est plutôt moi qui vous dis merci de m’avoir invité.

Entretien Realise Hubert Marlin Elingui Jr.

Journaliste Ecrivain

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