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La Nouvelle Course à l’Armement met-elle en Péril la Paix dans le Monde ?


En 1994, Jacques Attali disait Pour se protéger d'une épée, il faut un bouclier. Or construire un bouclier contre l'arme nucléaire s'est révélé jusqu'ici impossible. La faillite de la guerre des étoiles le projet de défense anti-missile destiné à la protection des États-Unis contre une frappe nucléaire stratégique des missiles balistiques intercontinentaux et des missiles balistiques lancés par des sous-marins, le prouve clairement. L'initiative, rendue publique le 23 mars 1983 par le président Ronald Reagan, devait combiner des systèmes capables d'intercepter les missiles ennemis, depuis le sol et l'orbite terrestre. En 1987 la Société américaine de physique conclut que le développement d'un bouclier antimissile global était extrêmement ambitieux, n’était pas réalisable avec la technologie de l’époque et qu'environ dix années de recherches seraient nécessaires simplement pour déterminer sa faisabilité. Avec la dissolution de l'URSS et la fin de la guerre froide, l'administration Clinton, si elle ne mit pas fin aux recherches dans le domaine, en réduisit grandement l'ambition et renomma l'organisation Ballistic Missile Defense Organization (BMDO).

Malgré le succès mitigé des armes comme les missiles Patriot américains, qui visent à intercepter et à détruire tout missile pouvant s’attaquer à toute cible protégée, il ne reste pas moins clair que la dissuasion reste dans la qualité de l’armement et le rayon d’action du potentiel meurtrier des différentes nations. Une qualité que les nouvelles technologies pourraient décupler à prix raisonnable. Le 2 août 2019, les États-Unis sont sortis du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), signé avec l’URSS en 1987, après avoir accusé Moscou, en février de la même année, de violer ce traité en développant le missile 9M729. En interdisant l’usage de toute une série de missiles balistiques et de croisière à lanceur terrestre d’une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres, le traité FNI avait permis à la fin des années 1980 l’élimination des missiles balistiques SS20 russes et des Pershing américains déployés en Europe. Une catégorie entière d’armes capables d’emporter une charge nucléaire était ainsi éliminée. Qu’en est il aujourd’hui avec la fin de différents traités sur la prolifération nucléaires entre la Russie et les Etats-Unis alors que de nos jours un acteur des plus importants de la politique internationale, la Chine qui n’a jamais pris part aux traités sur les forces nucléaires intermédiaire a continué de se développer à l’écart ?

Y a-t-il un risque que le monde redevienne une poudrière à un moment où l’on se rend bien compte que l’érosion du pouvoir de régulation d’organismes chargés de contrôle de la politique et même du commerce international est dans une phase de décrépitude jamais égalée depuis au moins 50 ans. La dernière fois que l’on a vu des organismes internationaux se désintégrer s’était à la veille de la guerre mondiale de 1938 -1945, lorsque la société des nations ancêtre de l’organisation des Nation Unies devint inefficiente ; avec des violations des plus graves de la part de la nation belligérante qui se sentait désormais très forte à l’époque; à savoir l’Allemagne Nazi.

Aussi il est important de se poser la question de savoir si la fin du cadre légal visant la restriction de la prolifération des armes nucléaires chiffonné pareillement par la nation qui se sent très forte à savoir les Etats-Unis, serait plutôt la fin d’un ordre mondial qui jusque-là, avait consacré les Etats-Unis comme leader unique et incontesté.

Le 21e siècle qui vient de commencer sa 3e décennie est un cas classique. Peu importe ce que peuvent dire les analystes de la politique internationale, le statu quo est une vue de l’esprit, car des dynamiques réelles de multi polarisation de l’ordre mondial sont palpables ; la guerre en Syrie ayant été le tournant majeur, tandis que la guerre en Libye après celle d’Irak fut celle de trop ; car elle aura jeté un discrédit total sur les missions pacifiques du gendarme du monde et de son bras armé qu’est l’OTAN. Il est de ce fait normal que ce discrédit se soit accompagné d’une détérioration profonde de la confiance aux institutions tels que les Nations Unies qui auront prouvé leur limite avec les administrations américaines passant outre ses résolutions pour mener leur politique belliqueuse. En sacrifiant sur l’autel de leur ambition hégémonique, leur arme fatale qui fut les Nations Unies, depuis 1945. Beaucoup, semblent toujours oublier que les Nations Unis, sont une création grandement influencée par le vrai vainqueur de la seconde guerre mondiale que sont les Etats Unis. Oncle Sam en voulant établir un régime spécial qui mets par exemple les Etats-Unis au-dessus de la justice internationale, voir même des règles basiques de l’OMC, est en même temps en train de perdre sa légitimité basée sur sa prétendue bonne foi qui pendant longtemps fut un moyen de pression important contre ses potentiels adversaires, souvent perçus comme des renégats à cause de la propagande occidentale. Alors que la Chine et la Russie grace au droit de Veto qu’ils ont, rendent impossibles toute utilisation manipulatrice des Nations Unis contre leurs pays, il était logique que les américains cherchent à jouer désormais dans une zone d’ombre, où n’existe aucune loi enfreignant leur ambition de redorer leur blason comme le dit la maxime de Donald Trump « Make America great again ».

La situation de non loi défendue par John Bolton conseiller en matière de sécurité de l’administration Trump qui déjà avait inspiré le retrait des Etats-Unis du traité ABM en juin 2002, sous l’administration Bush, qui trouve qu’il est aberrant de mettre sur la même table de discussion les gendarmes et les voleurs, n’augure rien de bon pour la paix dans le monde.

La situation actuelle si elle favorisera le développement militaire sans restriction des Etats-Unis, les Nations qui lui sont rivales, en occurrence la Russie et la Chine seront elles aussi libres de faire la course aux armements à leur manière. Alors que les règles du jeu n’existent plus, il est logique de se poser la question de savoir qui a la chance d’emporter la guerre asymétrique que se livre depuis la Chine La Russie et les Etats-Unis, dernier bastion de l’empire occidental ? Après la fin du traité FNI, un seul accord nucléaire bilatéral entre Moscou et Washington reste en vigueur : le traité New Start de réduction des armes stratégiques nucléaires, entré en vigueur le 5 février 2011 pour une durée de dix ans. Ses chances de prolongation au-delà de 2021 sont faibles, dans un contexte ou la défiance et la caducité d’une manière de penser la défense est désormais de mise. Avec des assassinats à ciel ouvert par des américains des personnalités des pays souverains comme le General iranien Qassem Suleimani on ne peut craindre que le pire. La Russie et la Chine dans le contexte mondial actuel, savent que la paix est le gage de leur progrès économique et de l’épanouissement de leurs peuples, et il est probable que si ces pays ne sont pas attaqués de manière frontale ils ne réagiront pas. Mais Washington sait qu’elle doit son hégémonie aux diverses guerres dites mondiales qui ont ensanglantées le continent européen, et si les peuples européens le savent, les dirigeants dont le choix a souvent été grandement influencé par le parrain américain, quant à eux ont continué à mener une politique d’isolationnisme et d’opposition dilatoire envers la Russie, alors qu’ils ont intérêt à faire la paix avec leur voisin de l’est, pour construire une aire pacifique en Europe. Une aire pacifique qui sans doute rendra Washington inutile pour ses alliés européens. L’existence de l’OTAN et des forces américaines sur le continent européen, répondait à une seule exigence la menace de l’ancien bloc communiste qui n’existe plus depuis plus de 30 ans. En brandissant la Russie comme un fléau menaçant l’indépendance des républiques comme la Roumanie ou la Pologne les Etats-Unis en dehors d’en faire des alliés en font aussi des potentiels consommateurs de son armement. En Mars 2018 au moment où les tensions entre l’Otan et la Russie étaient à leur paroxysme la Pologne, membre de l'Otan et de l'UE, a acheté pour 4,75 milliards de dollars (3,8 mds EUR) le système antimissile américain Patriot, destiné à renforcer sa défense anti-aérienne. Comme quoi l’idéologie de la menace permanente envers l’ennemi de la guerre froide, continue de bien se vendre en rapportant des capitaux à l’économie américaine et à son complexe militaire industriel. La situation de course à l’armement est une aubaine pour l’industrie de l’armement. Avec la fin de différents traités les États-Unis et la Russie sont désormais libres de lancer des programmes d’armements jusqu’alors interdits. La fin du FNI permettra à Washington de se moderniser pour contrer la montée en puissance de la Chine qui développe un puissant arsenal de missiles de portée intermédiaire. Le Pentagone a testé, en août 2019, un missile terrestre d’une portée de 1 000 km et, en novembre, un missile balistique d’une portée de 3 000 à 4 000 km. Lorsqu’ils seront opérationnels, les États-Unis pourront les déployer dans les îles du Pacifique et sur les territoires de pays alliés pour contrer la pression chinoise en mer de Chine méridionale. Tandis que l’achat en 2018 par la Pologne et la Roumanie, tous membres de l’Otan et de l’Union Européenne, du bouclier anti missile patriot met une certaine pression sur la Russie, le Pentagone a également évoqué, dans sa posture nucléaire publiée en 2018, la mise au point d’un missile nucléaire de faible puissance.

Dans le nouveau contexte stratégique, l’Otan devra adapter sa posture de dissuasion et de défense pour garantir la sécurité de l’Europe de l’ouest contre la Russie, un adversaire qui pourtant depuis a fait comprendre que la seule chose qui lui intéressait c’était l’inviolabilité de son territoire et la défense de ses intérêts. Cependant en Juillet 2019, le secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg reconnaissait lui-même que les « défenses actuelles ne sont pas en mesure d’abattre un missile de croisière tiré depuis la Russie ». Le 2 août 2019 alors que les Etats-Unis annonçaient leur retrait du traité FNI, tout en rejetant une proposition de moratoire de Moscou sur le déploiement des armes nucléaires prohibées par l’ancien traité, Stoltenberg avait indiqué depuis le siège de l’Alliance à Bruxelles : « Nous ne voulons pas d’une nouvelle course aux armements, mais nous ferons en sorte que notre dissuasion soit crédible ». Dans le passée l’annulation des traités a souvent plutôt servi au Etats-Unis comme prétexte pour multiplier leur potentiel de nuisance contre leurs ennemis réels ou imaginaires. En juin 2002, le président américain George W. Bush, sous l’influence d’un certain John Bolton, s’était retiré du traité ABM qui avait conduit à son annulation de facto. Quelques temps plus tard les États-Unis déployèrent le système ABM en Alaska et en Californie. Les américains affirmaient que les ABM étaient nécessaires pour se défendre contre les missiles nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran. Des allégations peu fiables car à cette époque, la Corée du Nord n’avait pas de missiles pouvant atteindre les États-Unis et l’Iran n’avait toujours pas d’armes nucléaires et limitait la portée de ses missiles à 2 000 kilomètres.Cependant les analystes militaires russes comprirent que la démarche américaine, n’était rien d’autres qu’une autre tentative de pouvoir réaliser une première frappe contre elle. Aussi le Kremlin a immédiatement lancé le développement d’un nouveau système qui rendrait la défense antimissile américaine inutile. Ainsi fut mis sur le rail le chantier sur les missiles hypersoniques dont l’Avangard inaugurée en décembre 2019 par les autorités russes rend caduque la stratégie de défense ou d’attaque américaine contre la Russie. Ce système fait partie d’une nouvelle génération d’engins capables, selon les autorités russes, d’atteindre une cible quasiment partout dans le monde et de surpasser n’importe quel bouclier antimissile existant, tel que le système déployé par les Etats-Unis en Europe. L’Avangard selon Moscou a une vitesse de Mach 20 et est capable d’atteindre Mach 27 – soit vingt-sept fois la vitesse du son et plus de 33 000 kilomètres par heure. Il est capable de changer de cap et d’altitude.

Même le système AEGIS préconisé par l’administration Obama en 2010 face à cette nouvelle avancée militariste, est hors circuit. Selon cette circulaire le système AEGIS utilisé sur de nombreux navires de guerre américains serait converti en une version terrestre et déployée dans un prétendu but défensif. AEGIS comprend un radar, un système de gestion de combat et des lanceurs de missiles, capable de lancer un missile de croisière à ogive nucléaire d’une portée de 2 400 kilomètres. Il est à noter qu’au Moyen Orient le seul pays disposant de sous-marin armé de système AEGIS est Israël, un atout considérable face à ses adversaires dans la région.En 2010 la Russie n’avait aucun moyen de détecter le type de missile que les États-Unis déploieraient sur ces sites, ce qui pourrait expliquer sa non intervention dans le conflit Libyen. Le déploiement de ce potentiel à ses frontières quelques mois avant aurait refroidi ses ardeurs. Logiquement les Russes pouvaient supposer que des missiles nucléaires à portée intermédiaire seraient installés sur ces rampes.

En 2016, les États-Unis ont activé le premier de ces systèmes terrestres AEGIS en Roumanie. C’est cette étape qui a brisé le traité FNI et accéléré les travaux de la création des engins hypersoniques. Le fait qu’Obama ait précédemment signé un accord nucléaire avec l’Iran, garantissant que celui-ci ne construirait jamais d’armes nucléaires, a clairement montré que la Russie était la seule et unique cible de ces systèmes. Malgré L’explosion du 14 août 2019, qui a tué plusieurs scientifiques russes qui travaillaient sur une base du Grand Nord, dans le cadre du développement de missiles hypersoniques, la Russie avec la sortie de décembre 2019 semble avoir tenue ses promesses Alors que la Russie semble être revenu au niveau des Etats-Unis et d’avoir même surpassé les américains sur certains points ; il est important de constater que les chinois ou les russes n’ont pas d’ambition hégémonique militaire lorsque la Russie pense légitimement à défendre son espace vital, la Chine elle pense plus à protéger ses routes de commerces avec son projet ambitieux de nouvelle route de la soie qui n’est réalisable que dans un environnement de relative paix. De leur côté, les américains ne peuvent espérer une hégémonie militaire et économique que dans un monde en guerre qui freinerait l’expansion des Nations comme c’est le cas depuis en Libye ou au Congo. Et la Russie et la Chine ne sont ni le Congo ni encore moins la Libye ou la Somalie. Aussi il est logique que Pékin et Moscou voit dans chaque crise comme la guerre de Tchétchénie, la crise des Ouighours ou celle de Hong Kong des tentatives visant à déstabiliser leurs pays respectifs par des ennemies de l’extérieur, même si les revendications de ces peuplades sont légitimes. Aussi il semble logique qu’avec la nouvelle donne mondiale, que les mouvements sécessionnistes dans plusieurs pays auront désormais du mal à faire valoir la légitimité de leur combat, car comme dans la zone anglophone du Cameroun, dans le Biafra nigérian, ou dans l’Azawad malien, ces mouvements souffriront de manière criarde du discrédit à cause de leur parrainage réel ou supposé par l’empire occidental décadent. En tous cas une chose est sure, la troisième guerre mondiale qui a commencé en 2001 avec les évènements du 11 septembre à New York, est asymétrique, elle se combat sur le plan militaire avec des marionnettes terroristes qui donnent quitus à l’expansion militariste occidentale, et sur le plan économique avec les embargos économiques comme ceux sur l’Iran, le gel des avoir des régimes jugés hostiles, la manipulation des aides et traités économiques comme l’AGOA, et les guerres économiques, comme celle entre la Chine et les Etats-Unis. Dans ce tableau, il faudra désormais ajouter la guerre électronique et la course à l’armement hypersophistiqué. Lorsqu’en occident certains penseurs affirment qu’il est légitime de faire la guerre aux autres pour prospérer, beaucoup refusent de voir qu’un pays comme la Chine ces 30 dernières années a connu un développement fulgurant sans envahir ou coloniser d’autres pays supposés plus faibles. Alors que le motif économique reste prépondérant dans les vecteurs de la guerre, pour que ce monde survive il est important que le paradigme du profit par la haine soit remplacé par la coopération pacifique fidèle à la doctrine du gain réciproque.

Hubert Marlin Journaliste


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